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Ce texte est paru pour la première fois dans la lettre d’information à laquelle ont régulièrement accès les soutiens du groupe Megamachina.

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Dans le brouillard de guerre

En bien, en mal, à gauche et à droite…aujourd’hui, en France, tout le monde discute du fait migratoire. Ce n’est pourtant pas le nombre de ses évocations qui fait la qualité du traitement que l’on réserve au sujet. Voici un concept qui permettra à nos lecteurs de tout comprendre : celui de Contingent.

Qu’écrire encore à propos du fait migratoire, pourtant, sans verser dans le lieu commun ?

Rappelons d’abord quelques fondamentaux historiques. En France, les vagues migratoires modernes débutèrent dans la seconde moitié du XIXème siècle. Des Suisses, des Allemands, des Italiens composaient la cohorte d’hommes qui vinrent chercher du travail chez nous. Le développement de cette importation d’ouvriers s’étendit jusqu’à la Pologne. Suivirent les populations africaines et indochinoises de l’empire qui précédèrent les vagues de réfugiés de l’entre-deux-guerres (belges, espagnols). C’est depuis 1945 et les ordonnances des gaullistes que le système migratoire légal prit progressivement la tournure qu’il a aujourd’hui, et permit l’arrivée beaucoup plus massives d’immigrés, notamment de portugais et de maghrébins. On peut considérer, enfin, que l’immigration moderne s’est accélérée depuis les années 2010 et la déstabilisation politique de certains pays tels que la Lybie.

D’une immigration professionnelle, caractérisée par une proportion assez large de retours au pays, le phénomène s’est transformée en colonisation au sens littéral du terme : l’installation durable d’un peuplement exogène sur une terre qui n’est pas la sienne.

Ces quelques éléments rappelés, tranchons dans le vif dès le début. Ce qui nous intéresse, c’est de considérer les masses d’étrangers qui se sont installées chez nous depuis le XIXème siècle non sous l’angle ontologique - en tant que ce qu’elles sont, mais plutôt de les examiner du point-de-vue téléologique en qualifiant le rôle qu’elles jouent et les buts de guerre poursuivis par les puissances qui ont provoqué leur implantation en France. C’est sous cet angle que s’impose la nécessité analytique de réunir plusieurs vagues migratoires d’origines pourtant très différentes dans le même concept, celui de Contingent.

Etranger-soldat, soldat de l'Etranger

Les populations que nous évoquons ont débarqué chez nous en vertu d’objectifs stratégiques établis. Est-ce à dire que ces immigrés sont les soldat zélés et conscients de l’Etranger ? Pas vraiment, pour la plupart. Est-ce à dire que ces peuplades ont envahies la France au terme d'un grand conclave transnational où l'on aurait décidé en secret l'étouffement démographique des autochtones ? Non plus. Ceux qui ont submergé notre pays sont les troupiers d'une stratégie dont les décisionnaires sont tout à fait Français… et ces derniers n’ont eu besoin d’aucun plan alambiqué pour encourager l’immigration massive.

A l’aube du XX siècle, le patronat français affrétait des trains depuis la Pologne afin de faciliter le transit de l’armée de réserve de la révolution industrielle. En 1924, un comité de patrons réuni dans la Société Générale d’Immigration ouvre des agences d’embauche dans toute l’Europe pour aspirer la main d’œuvre bon marché. En 1969, Francis Bouygues (qui piochait 80% de sa main d’œuvre à l’étranger) défendait le regroupement familial et usait de son influence pour que l’Etat l’applique. En 2024, un député gauchiste défendait les politiques migratoires permissives en invoquant le « patronat éclairé » au secours de son argumentaire. La France est submergée par l’immigration parce qu'une part non négligeable des dirigeants d’entreprises a provoqué l'importation des clandestins et des légaux à son profit.

Ces évidences furent maintes fois rebattues. Cela n'implique pas qu'un patron cache nécessairement un marchand d'esclave, mais bien que pour une somme de raisons, un jour, des capitaines d’industrie ont provoqué l'appel d'air migratoire. Considérant la main-d’œuvre autochtone comme trop coûteuse et pas assez servile, ne pouvant pas délocaliser toutes les chaînes de production, des conglomérats patronaux ont choisi de doter notre pays d’immigrés de toutes sortes.

L’analyse proposée à notre lecteur ne peut séparer trop nettement l’italien du XIXème siècle de l’africain du XXème. Il ne s’agit pas de dire qu’ils sont les mêmes, mais de considérer leur appartenance au même mouvement historique, bien qu’ils y participent à des stades de développement différents.

Jusqu’ici, rien n’aura étonné notre lecteur s’il lui arrive de lire autre chose que des torchons libéraux-conservateurs. Mais allons plus loin, d’abord. Tous les chefs d’entreprise du pays ne se sont pas simplement réveillés un jour en se disant qu’il fallait organiser la traite mondiale pour briser les coûts alors qu’ils ne le faisaient pas la veille. C’est arrivé lors d’un moment précis de notre histoire, au cœur d’une révolution industrielle qui a multiplié les capacités de production standardisée. C’est arrivé alors que des sangsues se gavaient en arrachant à la productivité des entreprises une plus-value au titre des capitaux investis (banque et fonds d'investissements), notamment pour accélérer la révolution technologique et massifier les chaînes de travail. Les entreprises, engluées dans un processus d’endettement continuel, n’avaient d’autre choix que d’emprunter et de se laisser amputer par les usuriers au risque de perdre la course à l’armement industriel. Ces capitalistes qui faisaient se reproduire leur argent grâce aux travail des patrons et des salariés ont imposé, grâce au pouvoir conféré aux investisseurs dans les conseils d'administration, des baisses drastiques du coût du travail, de façon à maximiser la rentabilité et augmenter la plus-value. Les patrons, second maillon de cette chaîne alimentaire, devaient donc trouver des solutions. Puisqu’ils ne pouvait plu compresser la main d’œuvre autochtone en augmentant le temps de travail, la productivité, en baissant les salaires ou en achetant des machines, ils ont cherché une herbe plus verte au-delà de nos frontières. C’est ainsi que la submersion d’étrangers a commencé en France.

C’est cette masse d’hommes amenée chez nous par l'avidité des puissances d’argent, qui fut tour à tour italienne, polonaise ou africaine, que nous appelons dans sa globalité le Contingent.

Les trois moments du Contingent

Ce qui est à la fois une population et un phénomène, nous le séparons en trois portions : le Contingent laborieux, le Contingent populeux et le Contingent barbaresque. L’utilité de l’une de ces portions ne peut être comprise sans les deux autres. Les appelés du Contingent ont été poussés à l’immigration pour participer à l’installation d’un véritable état de terreur. Il se joue à plusieurs niveaux.

Une terreur sociale, par l’importation de populations à plus grande « flexibilité » laborieuse, censées faire mécaniquement baisser le coût du travail pour les puissances financières (Contingent laborieux). À cet égard, l’immigration illégale ouvre un sentier que l’immigration légale bétonne. Là où il y a terreur, c’est que la présence de cette main d’œuvre préférée du patronat pousse les producteurs autochtones à ce conformer à des standards de coût du travail et de qualité de vie plus bas. Plus le Contingent laborieux augmente, plus le salarié autochtone subit une pression à la baisse, et plus on lui signifie qu'il est parfaitement remplaçable. La seule solution d'un producteur pour survivre est de se résigner à voir ses conditions de vie se dégrader.

Une terreur démographique : le Contingent populeux, seconde phase historique de l’armée de réserve, c’est la famille de l'étranger qui débarque en France et qui acte ainsi le moment d'installation, de colonisation, poussée à la fois par le mouvement historique et une série de mesures incitatives telles que le regroupement familial. Il fait passer l’armée de réserve du statut de population marginale à celui de minorité considérable. Cette autre armée supplétive, c’est la pérennisation de la première, et son installation a eu, au gré de l’augmentation du peuplement exogène en France, une utilité plus pernicieuse encore. De la même façon qu’un clando pakistanais ne se liguera pas aux côtés d’un Français pour réclamer des comptes à celui qui les abusent tous deux, la présence massive d’étrangers sur notre sol brise naturellement l’unité sociale de la population, garantie - entre autres - par l’homogénéité nationale. Ce que l’on pourrait raisonnablement qualifier de lutte des classes, quel que soit l’arrière-plan symbolique du concept, s’installe durablement entre le producteur autochtone et le producteur importé, entre la famille autochtone et la famille importée. La prolifération du Contingent populeux vulnérabilise profondément l’autochtone en brouillant la solidarité naturelle qu’il devrait éprouver pour son voisin, et en divisant donc le front auquel doivent faire face les capitalistes à chaque tentative de compression des coûts de production.

La terreur sécuritaire est la troisième dimension du phénomène migratoire moderne. Ce que nous nommons le Contingent barbaresque représente ce surplus démographique qui n’est pas employable. Cette population se nourrit de la rapine, du viol, du meurtre et du commerce interlope, raison pour laquelle nous l’appelons « barbaresque ». Elle parachève le rôle parasitaire du Contingent. Si sa présence est aussi tolérée dans tout le pays par le régime, c’est parce qu’elle a une véritable utilité pour les puissances déterminantes dans le choix des politiques publiques. La terreur très concrète que cette portion de l’armée de réserve engendre fragilise la population autochtone en la rendant plus servile.